Interview d’Olivier Godin et Richard Loyen d’Enerplan

Écrit par Marion Mary, Rédactrice experte énergie le 16 juin 2023 à 10:34 | Modifié le 19 juin 2023 à 12:24
Temps de lecture : 6 min

Olivier Godin et Richard Loyen, respectivement Vice-président et Délégué Général d’Enerplan nous éclairent sur les enjeux du solaire thermique et photovoltaïque.

Interview Enerplan Olivier Godin et Richard Loyen

Pouvez-vous nous présenter Enerplan et son rôle à destination des professionnels de l’énergie solaire ?

Olivier Godin, Vice-Président :

Enerplan est un syndicat du solaire qui regroupe tous les acteurs du secteur solaire, à la fois photovoltaïque et thermique : fabricants, distributeurs, bureaux d’études, installateurs, architectes, etc. 

Solaire photovoltaïque vs thermique

Une installation solaire photovoltaïque transforme le rayonnement du soleil en électricité via les cellules présentes dans les panneaux.

Le solaire thermique capte la chaleur du soleil pour l’utiliser comme telle pour couvrir les besoins de chaleur (industrie, résidentiel, ...), de chauffage et d’eau chaude.

Enerplan agit auprès des pouvoirs publics et de l’ADEME pour porter des évolutions et des propositions afin de développer l’énergie solaire.

Le syndicat a aussi un rôle de structuration de la filière du solaire. 

Chez Hello Watt, nous constatons un intérêt croissant pour  l’installation de panneaux solaires photovoltaïques, confirmez-vous cette tendance ?

Richard Loyen, délégué général : 

Au niveau national, on est globalement sur une demande de raccordement de panneaux solaires qui a été multipliée par trois. C’est un marché qui est très dynamique en prévision des prix de l’électricité à venir. 

Olivier Godin :

Cet engouement concerne aussi les panneaux solaires thermiques. La rentabilité du solaire thermique s’est améliorée, car le prix des énergies en un an a fortement augmenté, d’où cette croissance forte sur le solaire thermique.

Le solaire thermique est constitué de trois branches qui n’ont pas progressé de manière identique entre 2021 et 2022 :

  • les chauffe-eaux solaires en m² de capteurs ont progressé de 17 % ;
  • les installations de chauffages solaires en systèmes combinés, en m² de capteurs, étaient en croissance de 170 % ;
  • l’eau chaude solaire collective, en m² de capteurs, s’est développée de 7 %. 

Pourquoi le chauffage solaire connaît une forte croissance ?

L’intérêt de cette solution est double :

  • le chauffage solaire couvre à la fois les besoins en eau chaude et en chauffage ;
  • le prix fourni et posé au mètre carré diminue lorsque la surface est grande, ce qui signifie que la rentabilité est meilleure.

Bien que la tendance s’améliore, la France reste en retard face à ses voisins européens dans la production d'énergie solaire en autoconsommation, comment expliquez-vous ce retard ?

Olivier Godin :

Il y a plusieurs freins au déploiement du solaire en France : 

  • des freins culturels en France, on parle trop peu du solaire et beaucoup plus du nucléaire ;
  • des freins ABF (Architectes des Bâtiments de France), qui interdisent l’installation de panneaux solaire près des bâtiments classés ou visibles depuis la rue en ville ;
  • aujourd’hui les aides sont tournées vers les énergies thermiques avec le bouclier tarifaire sur l’électricité, ce qui est un frein au développement du solaire.
Nous avons un marché français qui a la spécificité d’être limité par le bouclier tarifaire. Si on avait pris les mêmes augmentations que les Hollandais ou les Belges, je pense qu'on aurait installé beaucoup plus de panneaux solaires. [...] Le bouclier tarifaire, c'est une solution à court terme, qui va disparaître petit à petit, alors qu’équiper les maisons individuelles en solaire, c’est une réponse immédiate
Richard Loyen, délégué général d’Enerplan

Que faudrait-il faire pour rattraper ce retard ? Quels sont les freins au déploiement de l’énergie solaire en France ?

Olivier Godin :

Faire évoluer la réglementation est indispensable, il faut arrêter de trop réglementer le solaire dans les villes pour permettre plus d’autoconsommation et peut-être même créer un droit au solaire.

Il faudrait dégeler progressivement le bouclier tarifaire pour donner une idée aux Français du coût de l’électricité et redynamiser les investissements dans les énergies renouvelables.

Il faut aussi simplifier les démarches administratives et l’éco-PTZ. L’État met trop de temps à payer les banques pour l’éco-PTZ, elles sont donc devenues trop frileuses.

Enfin, il faudrait faire évoluer la méthode de calcul de la RE2020 qui valorise à moins de 200 kWh la productivité en solaire thermique alors qu’elle est entre 400 et 600 kWh.

Richard Loyen : 

Aujourd’hui la demande est forte, il faut maintenant augmenter l’offre des artisans installateurs en assurant des formations. C’est un des goulots d’étranglement du marché et un frein auquel on doit s’attaquer.

Par ailleurs, les entreprises qui se forment au solaire ont des difficultés pour accéder à l’assurance décennale pour assurer des chantiers en toute sérénité. 

En parallèle, trop d’aides tuent l’aide. Il faut savoir les cibler. Il faudrait faire évoluer le système fiscal et se mettre à jour avec une TVA réduite pour tous et sans limite de puissance installée, ce qui serait un soutien supplémentaire important. 

On milite aussi pour bénéficier d’un programme de primes CEE notamment pour que les plus précaires aient moins de reste à charge. 

Avec la hausse de la demande, est-ce que la filière fait face à de nouveaux enjeux d’approvisionnement, de formation, de main d’œuvre ou autre ? Si oui, lesquels et quelles solutions pourraient être mises en place ?

Olivier Godin :

Il faut savoir que le solaire thermique est fabriqué en Europe et la France est même exportatrice nette. Néanmoins, il y a eu deux problématiques d’approvisionnement l’année passée :

  1. l’acier, à cause du conflit en Ukraine, la plus grande scierie d’Europe a été rasée ;
  2. les composants électroniques qui viennent de Chine et qui ont connu le cumul de la crise de la covid et de la guerre en Ukraine. 

Les acteurs ont donc dû diversifier les fournisseurs et aujourd’hui la situation se débloque.

Richard Loyen :

Il y a eu des pénuries de composants comme des onduleurs et des augmentations de prix importantes. Aujourd’hui, c’est globalement rentré dans l’ordre. 

panneaux solaires toiture maison

Nous savons qu’aujourd’hui la Chine domine largement l’industrie des panneaux solaires, est-ce voué à évoluer et si oui, comment ?

Richard Loyen :

La tendance ne pourra pas totalement s’inverser, néanmoins il y a une prise de conscience aujourd’hui sur le fait qu’on a tout en main en Europe pour assurer une industrie solaire.

Dans le cadre du plan REPowerEU, l’objectif est d’avoir 40 % du marché solaire européen produit en Europe. En France, il y a deux projets de gigafactory, avec lesquels on peut imaginer atteindre 10 GW de production, ce qui est plus que notre demande nationale.

Il y a une fenêtre d’ouverture. On ne se sort pas d’une dépendance au gaz russe pour plonger dans une dépendance aux panneaux solaires chinois.

L’industrie photovoltaïque est née en France, aujourd’hui, nous avons les laboratoires de recherches à la pointe de la technologie. Il nous manque des capitaux d’industrie et des incitations équivalentes à ce que l’on peut retrouver avec l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis.

Sur l’application Hello Watt, une nouvelle fonctionnalité permet désormais aux propriétaires de panneaux solaires de suivre le volume d’électricité réinjecté sur le réseau. Pensez-vous que ce type d’outil digital peut avoir une influence pour encourager les particuliers à produire de l’énergie solaire ? 

Richard Loyen :

Globalement, les outils numériques qui permettent de savoir ce qui est produit, quand et comment le consommer, participent à l’éducation des consommateurs. Ils peuvent donc maximiser l’utilisation de leur production solaire.

Le marché du solaire thermique type SSC (Système Solaire Combiné : chauffage et eau chaude solaire) est aussi en forte croissance, quelles sont les solutions techniques les plus pertinentes sur ce marché selon vous ?

Olivier Godin :

Aujourd’hui, le solaire thermique évolue et on arrive à couvrir de 50 à 75 % des besoins en chauffage et eau chaude en rénovation et de 60 à 95 % lorsque le logement est neuf ou réhabilité thermiquement.

Le solaire autonome est la solution qui permet de couvrir plus largement les besoins d’un logement. C’est une solution économique et qui permet en plus de sécuriser ses besoins énergétiques.

Avec cette solution, nous arrivons à avoir des clients avec des factures d'électricité de 4 €. C’est moins que la consommation électrique d’une chaudière gaz.
Olivier Godin, Vice-Président

Pressentez-vous un essor des solutions couplées solaire thermique / solaire photovoltaïque (“hybride”) ?

Olivier Godin :

Ce sont des solutions qui se complètent bien, car chacune améliore la rentabilité de l’autre. En effet, lorsque l’on pose l’échafaudage, c’est pour installer les panneaux solaires photovoltaïques et thermiques à la fois, ce qui représente un coût en moins.

Le solaire thermique améliore aussi la compétitivité du solaire photovoltaïque en augmentant l’autoconsommation du photovoltaïque.

Coupler ces deux solutions sécurise aussi les besoins en énergie d’un logement puisque le circulateur d’un équipement solaire thermique consomme uniquement 20 watts, contre 3 kWh pour le compresseur d’une PAC. C’est donc une vraie solution frugale en électricité qui peut être rendue quasiment autonome avec du photovoltaïque.

Quelle complémentarité percevez-vous entre les solutions pompe à chaleur et le solaire thermique ?

Olivier Godin :

Le solaire thermique est le complément idéal de toutes les autres solutions énergétiques. 

Il présente un avantage majeur. Aujourd'hui le prix de l’électricité est gelé, ce qui veut dire que le prix de l’électricité va grimper tout comme le prix du gaz ou du granulé. La seule énergie pour le particulier, dont le prix n’augmente pas, c'est le solaire.

C’est pourquoi, aujourd’hui, coupler sa pompe à chaleur ou son autre mode de chauffage avec du solaire thermique est une solution rentable.

Malgré des éclaircissements réglementaires, l’autoconsommation collective peine à décoller, quels restent les principaux freins selon vous ?

Richard Loyen :

L’autoconsommation collective prend du temps du fait de l’organisation nécessaire à la prise de décision. 

Peut-être qu’aujourd’hui ce ne sont pas les particuliers dans un lotissement qui seront visés, mais plus des zones d’activité économiques (ZAE) pour équiper des parkings ou des toitures pour faire des opérations de plusieurs mégawatts. 

Il faut être patient, les modes de consommation de l’énergie solaire peuvent évoluer. J’ai en tête une association, qui met en place l’autoconsommation collective via le don d’énergie. Si vous produisez plus d’énergie solaire que vous n’en consommez, vous pouvez la partager avec vos voisins, au même titre que lorsque vous avez trop de fraises dans votre potager.

Le solaire thermique fonctionne uniquement en autoconsommation totale. Ainsi, il n’y a aucun problème pour installer des panneaux solaires thermiques pour couvrir les besoins d’un immeuble en eau chaude, voire aussi en chauffage si la surface sur le toit le permet.
Olivier Godin, Vice-Président

Pensez-vous que le modèle de revente totale avec des installations plus importantes sur les toits peut revenir d’actualité ? 

Richard Loyen :

La vente totale de production d’électricité solaire ne reviendra pas, car aujourd’hui, on revend moins cher son électricité qu’on ne la paye. 

Il y a plutôt une dynamique de circuit court. Le sens de l’histoire aujourd’hui c’est de produire pour soi puis de trouver à valoriser le surplus.

Aussi, la consommation d’électricité est vouée à augmenter ces prochaines années avec l’électrification des usages comme la voiture.

Marion Mary

Marion Mary

Rédactrice experte énergie

Étudiante en marketing, Marion rejoint l’équipe d’Hello Watt en 2023 en tant que rédactrice blog. À l’affût de l’actualité, elle vous partage tout ce qu’il faut savoir sur le marché de l’énergie aujourd’hui.

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