Interview de Jérôme Mouterde, Directeur général de DualSun

Écrit par Juliette Mariani, Journaliste énergie et rénovation le 26 mars 2024 à 14:09 | Modifié le 26 mars 2024 à 14:44
Temps de lecture : 9 min

Nous avons rencontré Jérôme Mouterde, cofondateur et directeur général de DualSun, une entreprise marseillaise leader dans la conception et la fabrication de panneaux solaires pour le secteur résidentiel. 

Jérôme Mouterde

Pouvez-vous présenter DualSun et vos offres pour les particuliers ?

Laetitia Brottier et moi avons cofondé Dualsun en 2010 avec une ambition claire : devenir un fabricant de panneaux solaires innovants. Dès le départ, notre objectif était de proposer les panneaux les plus performants possible, pour le marché du résidentiel individuel et collectif

Pendant plus de quatre ans, nous avons développé la gamme de panneaux hybrides SPRING. Ces panneaux produisent simultanément de l’électricité et de l'eau chaude pour le chauffage. Le terme “Dual dans DualSun a d’ailleurs été choisi en référence à la dualité de ce panneau hybride. 

Petit à petit, notre gamme s’est étoffée. Nous avons créé, il y a quatre ans, la gamme de panneaux solaires photovoltaïques FLASH, proposée par Hello Watt. Cette gamme, qui bénéficie de tout le savoir-faire de nos ingénieurs, rencontre beaucoup de succès et s’inscrit dans un marché photovoltaïque très dynamique

Pour chaque maison, il y a un projet solaire adapté. Les panneaux hybrides SPRING sont recommandés lorsqu’il faut changer de système de chauffage, par exemple, quand on a une chaudière en fin de vie. En revanche, pour les maisons équipées de systèmes de chauffage neufs ou récents, comme des pompes à chaleur, nous orientons les clients vers la gamme de panneaux photovoltaïques FLASH

Notre mission est de contribuer à la baisse de la consommation d'énergie fossile des logements. Notre ambition est de devenir le VELUX du panneau solaire : une marque reconnue du client final.

Quelle est la valeur ajoutée des panneaux photovoltaïques FLASH par rapport aux autres panneaux disponibles sur le marché ?

Nous sommes au contact d'usines de lamination et de fabrication de panneaux photovoltaïques depuis maintenant douze ans. Nous avons donc acquis une solide expertise dans la fabrication d'un panneau photovoltaïque ! Cela nous a permis de créer un cahier des charges qui nous différencie du reste du marché pour notre panneau FLASH

Tout d’abord, le FLASH est un panneau bas carbone

Produire des panneaux bas carbone pour le marché du résidentiel n’est pas une exigence réglementaire, et nous avons été les premiers à le généraliser dans notre gamme à l’été 2022. Cela veut dire que nos ingénieurs sont à l'écoute du marché et savent sourcer les bons composants pour produire des panneaux photovoltaïques bas carbone. 

De plus, nous sommes présents à chaque étape du processus de fabrication des panneaux FLASH. Des auditeurs vérifient, en temps réel, dans nos usines partenaires, la conformité des produits au cahier des charges établi par nos ingénieurs. Notre présence lors de la fabrication de nos panneaux nous permet d’offrir des garanties de produits très compétitives, allant de 25 à 30 ans. 

Même pour un professionnel, différencier un bon panneau d'un mauvais panneau peut s’avérer ardu lorsqu’ils sont examinés côte à côte. Les composants du panneau ne sont pas visibles à l'œil nu. Nous les contrôlons strictement et nous refusons régulièrement des panneaux qui ne correspondent pas à notre cahier des charges. 

Installation de huit panneaux FLASH à Rousset (Bouches-du-Rhône)

Vous vous adressez surtout à des particuliers. Est-ce un choix ?

Notre marché couvre le résidentiel individuel et collectif. Nous nous adressons aux particuliers, mais nous avons également réalisé des installations plus importantes, toujours dans le secteur résidentiel. Par exemple, nous équipons des piscines collectives, des immeubles et des EHPAD

En revanche, le panneau hybride n’étant pas adapté aux centrales au sol, nous ne nous sommes pas positionnés sur ce marché. En effet, l’eau chaude du panneau hybride doit être stockée et consommée localement, dans le bâtiment sur le toit duquel il est installé, à la différence de l'électricité qui peut être véhiculée sur de grandes distances par des câbles. 

Selon les données Enedis, le nombre de nouvelles installations de panneaux solaires en autoconsommation a plus que doublé entre 2022 et 2023. Comment expliquez-vous cette augmentation soudaine ? 

Les données de raccordement d'Enedis de 2023 sont issues d’installations vendues en 2022. Le cycle de vente s’étale sur environ six à neuf mois, ce qui crée un décalage entre le moment où le client contacte l’installateur pour établir un devis, et le raccordement au réseau par Enedis. Les installations raccordées en 2023 ont donc été vendues entre avril 2022 et mars 2023

Je pense que ce pic de la demande est attribuable à la guerre en Ukraine, qui a suscité une forte tension sur la capacité d'approvisionnement en gaz. De plus, à l’été 2022, le gouvernement a fait des annonces marquantes concernant un éventuel blackout pendant l'hiver 2022-2023. 

Était-ce une augmentation exceptionnelle ? 

Oui, cette augmentation était exceptionnelle. La tendance du marché est haussière et les installateurs restent très sollicités, mais il existe des périodes plus creuses en termes de demande. Par exemple, nous avons remarqué une baisse relative de l’intérêt pour le photovoltaïque au cours du deuxième semestre 2023, par rapport à l’explosion constatée début 2023.

Cependant, une forte augmentation du prix de l’électricité a récemment été annoncée, et je ressens actuellement une dynamique similaire à celle de l’été 2022, au moment de l’annonce des risques de blackout.

En Allemagne, au moins 1,8 million d’installations solaires domestiques sont raccordées au réseau, contre seulement 440 000 en France. Comment expliquez-vous ce retard français ?

C’est un retard au démarrage, mais aujourd’hui, nous observons une dynamique très forte, ce dont nous pouvons être fiers. Le photovoltaïque a connu un très bon démarrage en France en 2008, mais peut-être trop fort et trop tôt. 

Pour contextualiser, dès 2008, le gouvernement a mis en place des aides très avantageuses pour accompagner le développement du photovoltaïque. Les aides ont favorisé une expansion rapide du marché, mais celui-ci s’est mal structuré, ce qui a entraîné de l’écodélinquance et des installations de qualité médiocre. L’arrêt soudain des aides en décembre 2010 a précipité la faillite de nombreuses entreprises. Le secteur est entré dans une période difficile qui a duré cinq ans

Les faillites et l’écodélinquance ont contribué, à juste titre, à donner une très mauvaise image du solaire aux particuliers.

Les installateurs et distributeurs ont subi de lourdes pertes financières et ont été très prudents avant de se lancer à nouveau. Les assureurs ont également mis beaucoup de temps avant de recommencer à assurer les installateurs.

Le marché a finalement repris vers 2017, à la faveur d’une nouvelle législation qui a valorisé l’autoconsommation

Nous avons perdu huit ans et nous en subissons encore les conséquences aujourd’hui. Cependant, il ne faut pas oublier que nous ne sommes qu’au début du solaire : moins de 5 % des toitures sont équipées. Ces années perdues au début de l’aventure se rattraperont rapidement si nous prenons les bonnes décisions dans les années à venir.

Quelles seraient les mesures les plus efficaces à mettre en place pour rattraper ce retard ?

Personnellement, je pense que les primes et les systèmes d’aides trop complexes créent un boulevard pour les écodélinquants. Il faut des mesures lisibles et simples

Dans cette optique, nous militons pour la mise en place d’une TVA réduite. La réduction de la TVA est le message le plus fort, simple et lisible à mettre en place pour le marché du résidentiel. C’est une mesure qui s’applique à tous, facile à comprendre par les particuliers et à mettre en œuvre pour les artisans

De plus, des simulations démontrent que la réduction de la TVA entraînerait une augmentation significative du nombre d’installations. Cette augmentation serait suffisamment importante pour qu’il n’y ait pas de perte financière en absolu pour l'État.

TVA des panneaux solaires

Les installations photovoltaïques d’une puissance inférieure ou égale à 3 kWc bénéficient d’un taux de 10 %. Les installations d’une puissance supérieure à 3kWc sont soumises à un taux de TVA classique à 20 %.

Les travaux de rénovation énergétique, dont sont exclues les installations solaires, ont le droit à une TVA à 5,5 %

La réduction de la TVA à 5,5 %, voire à 0 %, est donc la mesure phare pour laquelle je milite avec Laetitia Brottier, cofondatrice de DualSun et présidente du pôle du solaire résidentiel chez Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire. 

Le solaire fait partie de la rénovation énergétique. La TVA à 5,5 % sur toutes les installations résidentielles en France, sans restriction de puissance, constituerait une mesure puissante et enverrait un signal fort en faveur du solaire. 

La CRE a publié fin décembre 2023 un arrêté réduisant la prime à l’autoconsommation et les tarifs de rachat de l’électricité produite par les installations solaires. Qu’en pensez-vous ?

Cette évolution n’est pas une surprise, car elle découle de l’application mécanique d’une formule de calcul déjà connue. Les montants de la prime à l'autoconsommation et du tarif de rachat sont calculés, entre autres, à partir d'un budget fixé et de prévisions d'installations posées. La baisse du coût des matières premières liée à la hausse du nombre de projets photovoltaïques ont subitement modifié l'évolution des coefficients utilisés dans les calculs et entraîné une diminution des tarifs d'achat et de la prime à l'autoconsommation

À mon avis, avec l’augmentation du prix de l'électricité, le montant de la prime à l’autoconsommation et des tarifs de rachat sont secondaires dans la décision d’achat pour les particuliers. Je ne suis donc pas particulièrement préoccupé par ces baisses. 

Il est évident que le message peut sembler étrange pour les particuliers qui ne comprennent pas ces mécanismes de calcul aussi bien que les professionnels, et qui voient leurs aides estimées baisser. Cela illustre la complexité du système d’aide. C'est pourquoi la mise en place de mesures simples comme la TVA réduite revêt une grande importance.

Il est impossible d’installer des panneaux dans certaines zones géographiques sans l’accord des architectes des Bâtiments de France. Cela constitue-t-il un frein important aux installations solaires ?

C'est un sujet sur lequel je suis mesuré. Je connais bien certains architectes des Bâtiments de France et ils ont parfois raison de bloquer l’accord, dans certaines zones trop proches d'un monument historique, ou dans des centres historiques avec des maisons anciennes. 

Cependant, nous rencontrons également des cas où le blocage n’est pas justifié. Dans ces cas-là, où la décision semble être motivée par des considérations idéologiques, il faut mener des actions de sensibilisation et de pédagogie auprès des architectes des Bâtiments de France, qui ont parfois conservé une image négative du solaire liée à l’écodélinquance des années 2008-2010

Sur l’application Hello Watt, une fonctionnalité permet aux propriétaires de panneaux solaires de suivre leur production et la part autoconsommée. Ce type d’outil de suivi peut-il encourager les particuliers à passer au solaire ? 

Je suis convaincu que l'autoconsommation fonctionne quand on comprend à quoi elle sert. Pouvoir suivre la consommation de sa maison heure par heure est donc essentiel pour bien adopter l'autoconsommation. Cela offre deux avantages majeurs : 

  1. prendre conscience de ses dépenses et reprendre le contrôle sur sa facture d'électricité ;
  2. optimiser sa consommation en fonction de sa production une fois que l’on est équipé de panneaux solaires. 

À l'échelle nationale, l'autoconsommation sera très efficace lorsque chaque foyer parviendra à optimiser et synchroniser ses activités avec sa production solaire. Par exemple, en chargeant son véhicule électrique, en lançant sa machine à laver ou en programmant son ballon d’eau chaude au moment où le photovoltaïque produit. Sans cette optimisation, le risque est de tomber dans le schéma décrit par les détracteurs du solaire : produire de l’électricité pendant la journée, lorsque les besoins sont faibles. 

Le suivi de sa consommation et l’optimisation de son autoconsommation sont donc un pilier du déploiement du solaire en France à grande échelle

Le prix de l’électricité a augmenté de 38 % entre février 2023 et février 2024. Attendez-vous une explosion des demandes d’installations en 2024 ? Le secteur solaire français est-il prêt à répondre à cette demande ?

Je n'utiliserais pas le terme d’“explosion”. Il y a un pic de demande, mais cela reste ponctuel. Le marché connaît une croissance soutenue et régulière, avec de fortes hausses et des creux. Le pic de demande actuel finira par retomber, mais le marché continuera de croître.

Dans l’ensemble, depuis 2017, nous manquons d'installateurs pour répondre à la demande. 

Cependant, la demande est moins soutenue pendant certaines périodes, et il est difficile pour les installateurs de rémunérer leurs équipes de pose. Par exemple, au deuxième semestre 2023, les installateurs ont ralenti leur recrutement, voire licencié des équipes de pose, en raison du manque d’activité

Mais depuis le début de l’année 2024, nous sommes de nouveau confrontés à un pic de la demande, et nous allons connaître une nouvelle période de surtension sur la main-d'œuvre

Je pense donc qu’il est crucial d’avoir une vision à moyen et long terme pour que les entreprises puissent investir et recruter sereinement et que nous disposions d’un nombre suffisant d’installateurs pour répondre à l'ensemble de la demande. 

Vous avez créé la DualSun Académie, dédiée à la formation professionnelle aux métiers du solaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces formations et sur les besoins auxquels elles répondent ? 

Nous avons ouvert la DualSun Académie en septembre 2023, dans la continuité de notre investissement dans la formation, car cela fait déjà cinq ans que nous sommes impliqués dans deux formations à Marseille.

Nous sommes partis du constat d’un manque d'installateurs par rapport au nombre de demandes. Les entreprises ont du mal à recruter. Nous sommes également souvent sollicités par des professionnels en reconversion qui souhaitent changer de métier et devenir installateurs de panneaux solaires, sans savoir par où commencer.

Nous avons donc créé la DualSun Académie pour former ces personnes aux gestes techniques, leur apprendre à bien poser des panneaux, leur donner des clés pour ensuite lancer leur activité, ou être facilement embauchés par d’autres opérateurs de notre réseau. Notre but est de contribuer à une croissance saine du marché et, à notre échelle, à rattraper le retard pris par la France depuis 2010.

En 2023, l’Europe a importé massivement des modules photovoltaïques chinois. Quels sont les impacts sur le développement de la filière photovoltaïque française ?

Nos panneaux photovoltaïques sont laminés en Chine et notre gamme FLASH est assemblée dans des usines chinoises avec le cahier des charges DualSun. C’est en Chine qu’il y a les meilleures usines du monde. Si nous pouvions produire avec les mêmes niveaux de qualité en France ou en Europe, nous le ferions. 

Pour autant, notre gamme hybride SPRING et notre engagement en faveur de l’innovation sont notre meilleure réponse pour continuer à réindustrialiser en France. DualSun possède sa propre usine de panneaux hybrides en France, à Jujurieux, dans l’Ain. Nous pouvons les fabriquer en France parce que le panneau hybride est une innovation nous permettant de sortir de la guerre des prix qui sévit sur les panneaux photovoltaïques. 

L’aspect innovant de nos produits nous permet donc de nous différencier, tout comme l'accompagnement commercial offert par DualSun à ses clients. Les fabricants asiatiques n'ont pas cet accompagnement et cette présence sur le terrain.

Je suis très confiant sur le fait que DualSun va bientôt pouvoir produire ses propres panneaux photovoltaïques en Europe. Nous avons atteint un niveau de maturité de marque qui nous permettra de justifier des prix plus élevés : nous n’apportons pas seulement le panneau, mais nous accompagnons le client

Notre marque nous permettra de sortir par le haut de la concurrence chinoise, qui se joue uniquement sur le prix. Progressivement, les installateurs et les fabricants réussiront à justifier et à tenir un écart de prix par rapport aux panneaux photovoltaïques asiatiques.

Vous avez donc la volonté de rapatrier la fabrication de vos panneaux photovoltaïques à moyen terme. Comment vous y prendrez-vous ? 

Nous y allons étape par étape. Notre critère de choix est le poids carbone du panneau. En choisissant des cellules bas carbone recyclées dans le panneau, nous avons réussi à réduire de 17 % le bilan carbone du panneau FLASH. 

Notre prochaine étape sera de laminer en France ou en Europe pour gagner encore 10 % sur le bilan carbone du panneau. Les conditions économiques ne sont pas réunies pour le faire aujourd'hui, mais nous espérons bientôt pouvoir le faire. Pourquoi ne pas flécher la TVA à 5,5 ou 0 % vers les panneaux de fabrication européenne ?

Juliette Mariani
Juliette Mariani

Journaliste énergie et rénovation

Juliette a rejoint Hello Watt en 2024 après des études de lettres et de marketing. Sa mission : vous tenir informés des dernières actualités du secteur de l’énergie dans les articles du blog Hello Watt.

Commentaires
Bernal Alain
 - 18 avril 2024

Très bonnes informations J e suis équipé de panneaux photovoltaiques en toiture.

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