Dépendance aux panneaux chinois : Bruxelles mène l’enquête et Bruno Le Maire annonce un plan de bataille

Écrit par Juliette Mariani, Journaliste énergie et rénovation le 9 avril 2024 à 18:53 | Modifié le 19 avril 2024 à 13:52
Temps de lecture : 3 min

Les usines européennes de panneaux solaires vont de faillite en faillite, tandis que les fabricants chinois dominent le marché avec des prix artificiellement bas. L’Union européenne, structurellement dépendante des importations de produits chinois, a annoncé mener l’enquête sur deux consortiums soupçonnés de bénéficier de subventions déloyales. En France, face au même défi, Bruno Le Maire a dévoilé un ambitieux “plan de bataille” pour produire en Europe 40 % des panneaux solaires installés en France d’ici 2030. 

En résumé :

  • Les prix des panneaux solaires ont chuté de 25 % en 2023
  • Une baisse liée à la redoutable guerre des prix pratiquée par les fabricants chinois, largement subventionnés par le gouvernement de Xi Jinping. 
  • La Commission européenne a lancé des enquêtes pour des soupçons de subvention déloyale dans le cadre d’un appel d’offres. 
  • Bruno Le Maire a annoncé, vendredi dernier, un pacte destiné à relancer la production industrielle française de panneaux solaires

La guerre des prix pratiquée par les fabricants chinois met en péril l’industrie solaire européenne 

Nous en parlions dans un récent article : de nombreux fabricants de panneaux solaires européens, dont l’usine française Systovi, sont laminés par la stratégie commerciale agressive adoptée par les fabricants chinois

En 2023, les prix des panneaux solaires ont chuté de 25 % en raison de la concurrence féroce des giga-usines chinoises. Avec la fermeture des marchés étasunien et indien, c’est en Europe que les fabricants chinois écoulent massivement leur surproduction de panneaux. Depuis 2018, les taxes sur la vente de panneaux solaires chinois ont été levées en Europe afin de ne pas entraver le déploiement de l’énergie solaire sur le continent. 

À l’heure actuelle, les entreprises chinoises contrôlent plus de 80 % du marché mondial du photovoltaïque, et la Chine domine l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication de panneaux solaires, du silicium aux cellules en passant par les modules

La Commission européenne lance des enquêtes anti-subventions

La dépendance de l’Europe aux exportations chinoises concerne non seulement les panneaux solaires, mais aussi l’ensemble de l’industrie et notamment les batteries et les véhicules électriques. En septembre 2023, Ursula von der Leyen avait déjà annoncé l'ouverture d’une enquête sur les subventions publiques accordées par le gouvernement chinois aux véhicules électriques

La semaine dernière, la Commission européenne a annoncé lancer des enquêtes visant des groupes chinois du secteur solaire, soupçonnés d’avoir bénéficié de subventions faussant la concurrence sur le marché européen. 

Les usines chinoises sont en effet largement subventionnées par le gouvernement de Xi Jinping, dans le cadre d’une politique de relance de la croissance nationale. De nouvelles règles européennes interdisent pourtant, dans le cadre d’appels d’offres, les subventions de pays tiers soupçonnés de créer une concurrence déloyale dans l’Union européenne. 

Les enquêtes de la Commission ciblent deux consortiums. Le premier associe le groupe roumain Enevo et une filiale basée en Allemagne du géant chinois Longi, premier fabricant mondial de cellules photovoltaïques. Le second consortium associe deux filiales contrôlées par la multinationale Shanghaï Electric, étroitement supervisée par le gouvernement chinois

Ces consortiums se sont portés candidats pour construire et exploiter un parc photovoltaïque en Roumanie d’une capacité de 110 mégawatts, en partie financé par des fonds européens. La Commission européenne a quatre mois pour décider d’interdire ou non leur participation à l’appel d’offres roumain. 

Un “plan de bataille pour le solaire” pour riposter face à la concurrence chinoise

C’est dans ce contexte de concurrence acharnée que Bruno Le Maire a déclaré, jeudi 4 avril, qu’il fallait désormais, pour protéger les intérêts de l’Union européenne, “montrer les dents face à des adversaires économiques qui ne nous feront absolument aucun cadeau”. 

Le lendemain, lors d’une visite dans un parc photovoltaïque à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), accompagné de Roland Lescure, le ministre de l’Économie a donné corps à ses propos en dévoilant un “plan de bataille pour le solaire”. S’exprimant pour la première fois sur le photovoltaïque depuis qu’il est en charge de l’énergie, Bruno Le Maire a énoncé plusieurs objectif

  1. avancer à 2035, au lieu de 2050, l’objectif de 100 GW de capacité solaire totale en France, contre 19,3 GW aujourd’hui ; 
  2. installer 6 GW de capacités supplémentaires par an en France, soit le double de ce qui a été installé en 2022 (2,7 GW) et en 2023 (3,2 GW) ; 
  3. produire en France 40 % des panneaux photovoltaïques utilisés d’ici 2030, un objectif très ambitieux alors que l’Europe importe actuellement 97 % de ses panneaux solaires. 

Trois mesures clés doivent permettre d’atteindre ces objectifs : 

  1. la signature d’un pacte solaire (1) avec des acteurs du secteur, engageant notamment des énergéticiens et des développeurs de champs solaires à acheter, d’ici 2025, au moins 30 % de panneaux photovoltaïques à des fabricants ayant réalisé une ou plusieurs étapes de fabrication en Europe. De son côté, l’État s’engage à réorienter au maximum les soutiens publics vers les panneaux européens ;
  2. le lancement d’un “induscore” dans les deux prochains mois, similaire au nutriscore alimentaire, pour identifier les panneaux produits localement. Les panneaux recevront une note plus ou moins élevée en fonction du nombre d’étapes de fabrication réalisées en Europe
  3. la publication d’un décret sur l’agrivoltaïsme, permettant aux agriculteurs de déployer des panneaux solaires sur leurs terrains agricoles

Bruno Le Maire a également souligné que le gouvernement subventionne la construction de deux giga-usines de panneaux solaires à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Hambach (Moselle). Elles devraient commencer à produire leurs premiers panneaux en 2025 et 2026

Source : 

  1. Pacte de solidarité industrielle photovoltaïque publié par le ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
Juliette Mariani
Juliette Mariani

Journaliste énergie et rénovation

Juliette a rejoint Hello Watt en 2024 après des études de lettres et de marketing. Sa mission : vous tenir informés des dernières actualités du secteur de l’énergie dans les articles du blog Hello Watt.

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