P5 du CEE : vers la fin des offres à 1 euro ?

Écrit le 24 février 2021 à 10:12 | Modifié le 21 décembre 2021 à 01:03
Temps de lecture : 5 min

Le dispositif CEE (Certificat d’Economies d’Energies) a été introduit en 2005 par la loi POPE, le programme qui fixe les orientations de la politique énergétique. Son but : encourager la transition énergétique des ménages et des entreprises grâce notamment à la mise en place de primes énergies. Il y a quelques jours, les nouvelles dispositions concernant la période 5 du dispositif, qui s’étend de 2022 à 2025, ont été rendues publiques. Voici ce qui change pour la “P5” du CEE.

Un artisan en pleins travaux de rénovation

Qu’est ce que le dispositif CEE ?

Définition du dispositif CEE

Le dispositif CEE est un dispositif destiné à encourager la transition énergétique des particuliers et des professionnels. Afin de répondre à cet objectif, l’Etat oblige les fournisseurs d’énergie et certains distributeurs appelés “obligés” à fournir un certain quota de CEE (certificats d’économie d’énergie). 1 CEE = 1 kWh cumac d’énergie finale. Pour obtenir ces CEE, les “obligés” ont recours à plusieurs méthodes :

  • La première, inciter les consommateurs à investir dans des équipements économes en énergie
  • La seconde, acheter des CEE sur le marché (place d’achat-revente des CEE avec un index de prix)
  • Enfin, investir dans des programmes éligibles (R&D sur l’efficacité énergétique ou plus largement des aides dédiées à la transition énergétique, telles que des aides à l’achat de recharge de bornes de véhicules électriques)

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En cas de non atteinte de ces quotas, les “obligés” se voient sanctionnés par une pénalité. Ils ont donc tout intérêt à récolter le plus de CEE possibles au cours de la période en cours.

Bon à savoir

le terme “cumac” vient de la contraction de “cumulés” et “actualisés”. Cela correspond donc à l’énergie économisée grâce à une opération d’efficacité énergétique, dont le montant est “cumulé” tout au long de la durée de vie de l’équipement et “actualisé” dans le temps de façon similaire à une valeur financière par un taux d’actualisation moyen. 

Contexte dans lequel s’inscrit le dispositif CEE

Depuis 2005, le dispositif CEE a été décomposé en quatre périodes successives d’une durée de 3-4 ans. Les périodes précédentes ont été caractérisées par l’apparition de bonifications, destinées à gonfler artificiellement le nombre de CEE cumulables pour certains travaux et ainsi encourager davantage de ménages à engager ces travaux. Les offres d’isolation ou de changement de chaudière à 1 € s’appuyant sur le dispositif coup de pouce se sont donc multipliées, augmentant le nombre de travaux liés à la rénovation énergétique des ménages, et par la même occasion, le recours abusif, voire même frauduleux de la part de certaines entreprises, à ce dispositif. 

Vous souhaitez savoir si vous pouvez bénéficier des primes énergies pour effectuer des travaux de rénovation chez vous ?

Nos conseillers sont joignables pour toute question relative à votre contrat d’énergie au 09 75 18 60 60 (appel non-surtaxé), du lundi au vendredi de 8h00 à 21h00 et le samedi de 9h00 à 19h00.

Qu’est ce qui change pour la P5 du CEE ?

Le projet d’arrêté décrivant les modalités de la période 5 a été rendu public il y a quelques jours. Qu’est ce qui change pour 2021 et à quoi s’attendre pour le reste de la période ?

Ces textes prévoient des modifications radicales à très court terme, notamment la fin du coup de pouce isolation pour tous les travaux et du coup de pouce chauffage pour les chaudières à gaz THPE dès juillet 2021. Cette décision est un coup de tonnerre pour la plupart des professionnels du secteur qui s’étaient appuyés sur ces coups de pouce pour toucher davantage de particuliers. Sans autre mesure prise, cette décision risque d’une part de ralentir brutalement le rythme des rénovations, préoccupation  pourtant centrale du gouvernement, d’autre part d’induire un transfert massif du gaz vers l’électricité en ce qui concerne le chauffage. Certes les pompes à chaleur (PAC) représentent un excellent compromis entre coût, performance et écologie, mais une exclusion si brusque du gaz pourrait avoir des effets néfastes à terme à l’échelle nationale.
Sylvain Le Falher, CEO & Co-fondateur d’Hello Watt, conseiller énergétique des particuliers

Baisse du volume des obligations

La première disposition de la période cinq (P5) du CEE concerne le volume des obligations. Ces dernières ont été fixées à 1400 TWh cumac au lieu des 3000 TWh cumac attendues par certains acteurs. Comparé aux périodes précédentes, cela représente une hausse de seulement 12% du volume des obligations, soit deux fois moins que les 25% anticipés par l’ADEME. 

Suppression de certains coups de pouce dès juillet 2021

La deuxième modalité concerne les primes coup de pouce. Le projet d’arrêté met fin aux primes coup de pouce isolation ainsi qu’aux bonifications pour les substitutions de chaudières à gaz plus performantes et de radiateurs plus performants dès juillet 2021. La fin de ces coups de pouce sonne également le glas des offres à 1 € puisque le montant des aides ne sera plus suffisant pour prendre en charge l’intégralité du devis et aboutir à des offres à 1€. Cette mesure vise elle aussi à limiter le recours au dispositif coup de pouce, largement utilisé par certains obligés pour récupérer plus facilement des CEE.

Fin du doublement des CEE pour les “grands précaires”

De la même manière, le dispositif permettait autrefois de récupérer deux fois plus de CEE si les travaux de rénovation concernaient des ménages “grands précaires”. Pour la P5 du CEE, le dispositif prévoit la suppression de cette bonification pour les ménages les plus modestes. Les coups de pouce seront recentrés vers les revenus intermédiaires et élevés, ce qui risque de réduire l’incitation à réaliser des travaux.

Quelles conséquences avec le dispositif CEE 2021 ?

Baisse des travaux de rénovation

Les nouvelles dispositions  de la P5 ont des conséquences pour chacune des parties prenantes. Pour les particuliers, comme pour les obligés, on risque d’assister à la réduction des travaux de rénovation énergétique, alors même qu’il s’agit d’un axe majeur du plan de relance. En effet, en supprimant la bonification des grands précaires, les obligés n’ont plus d’intérêt à cibler spécifiquement ces ménages, et en supprimant les primes coup de pouce, les particuliers vont avoir moins tendance à recourir à des travaux de rénovation énergétique. Pour faire des économies autrement, vous pouvez changer de fournisseur gratuitement en utilisant par exemple notre comparateur de fournisseurs d'électricité et de gaz.

Mise à l’arrêt d’une filière qui s’était industrialisée

Du côté des artisans, c’est tout un pan de l’industrie qui est mis à l’arrêt avec ces nouvelles dispositions. De fait, la filière s’était structurée autour des offres à 1€ et en prévision des objectifs ambitieux du gouvernement, à savoir procéder à la rénovation de 50 000 rénovations par an d’ici 2025. Avec la suppression de certains coups de pouce dans 6 mois, dont avaient largement pu bénéficier les artisans jusqu'à présent, quid de l’avenir de la filière des artisans à court terme? Une décision si brutale et court termiste pourrait mettre en péril de nombreux artisans, et a minima les nombreux emplois créés grâce aux coups de pouce.

Vers un déséquilibre des énergies ?

Enfin, la dernière conséquence liée aux nouvelles modalités  concerne la filière gazière. Avec la fin de la prime coup de pouce pour les chaudières à gaz, on peut imaginer qu’un grand nombre de consommateurs va avoir recours à la prime coup de pouce pour l'installation d’une pompe à chaleur. Or, le réseau électrique n’est actuellement pas dimensionné pour l’alimentation de millions de PAC. Certaines études telles que la “2030 Peak Power Demand in North-West Europe” de E-CUBE Strategy Consultants and the Institute of Energy Economics at the University of Cologne gGmbH (EWI) montrent déjà que la forte croissance du marché des PAC pourrait être préjudiciable au réseau électrique d’ici 10 ans. De plus, les consommateurs encore équipés de chauffages au gaz risquent de voir leur facture grimper du fait des volumes moindres de gaz acheminés sur le réseau qui rendent le coût unitaire d’acheminement du gaz plus élevé. Enfin, quid de l’avenir de la filière des chauffagistes spécialisés dans les chaudières au gaz qui doivent se convertir à horizon 6 mois selon l’arrêté.

Cette mauvaise nouvelle pour les gaziers intervient quasi en même temps que la nouvelle réglementation thermique pour les bâtiments neufs (RE2020) qui leur est défavorable, alors même que la filière gaz essaie tant bien que mal depuis des années  de montrer le potentiel d’injection du biométhane dans les réseaux pour décarboner l’énergie gaz.

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