Interview d'Olivier Sidler, co-fondateur de Négawatt

Écrit par Sarah Nedjar, Rédactrice experte énergie le 28 juin 2021 à 11:20 | Modifié le 12 janvier 2022 à 18:16
Temps de lecture : 5 min

Le marché de l'énergie est particulièrement complexe et mouvant. Si vous vous intéressez à l'actualité de ce secteur, et plus particulièrement à la rénovation énergétique, cette interview d'Olivier Sidler, porte-parole de l'association Négawatt, spécialisée dans la sobriété, l'efficacité énergétique, et le recours aux énergies renouvelables, devrait vous intéresser ! 

interview négawatt Olivier Sidler

Pour commencer Olivier Sidler, pouvez vous nous présenter Négawatt en quelques mots et votre rôle au sein de l’organisation ?

Créée il y a 20 ans, Négawatt est une association qui réunit essentiellement des professionnels de l’énergie et des praticiens, convaincus qu’on devait pouvoir envisager l’avenir énergétique autrement qu’en poursuivant à l’infini la croissance préconisée alors par toutes les prévisions. Ils ont donc produit un premier scénario à l’horizon 2050 qui impliquait des réductions de consommation d'énergie et de gaz à effets de serre via :

1- La sobriété énergétique : le refus du gaspillage, et le changement de comportement et de choix face à nos besoins individuels et collectifs, etc ;

2- L'efficacité énergétique via la technologie qui permet de satisfaire un besoin donné avec moins d’énergie : isolation des bâtiments, voitures à faible consommation, led à la place des lampes à incandescence ;

3- Les énergies renouvelables : pour un vrai régime stable sur le long terme.

Je suis le cofondateur et porte-parole de Négawatt et spécialiste de toutes les questions énergétiques dans le bâtiment : j'ai en effet passé 40 ans à construire des bâtiments à très faible consommation.
Olivier Sidler, co-fondateur Négawatt

Selon vous, quel a été l’impact de l’année 2020 (et de la pandémie) sur la filière de la rénovation énergétique ?

2020 a été compliqué : avec la crise, les chantiers ont été perturbés ou n'ont pas pu se faire. Mais c'est aussi une année charnière car le gouvernement a lancé de grandes réformes dans la rénovation (qui constituent plutôt un recul), ainsi que sur le financement de celle-ci.

Puis il y a eu la confirmation d'une position très en retrait de la part des artisans du bâtiment par rapport à la rénovation. Ces derniers ont une vraie réticence à aller vers le marché de la rénovation, alors que c'est celui qui devrait leur sauver la mise dans le futur, puisque selon l’INSEE la croissance démograhique va se ralentir : à horizon 2050 on ne serait que 74 millions "d'habitants", ce qui conduirait à ne construire que 70 000 logements neufs par an vers 2035-2040 contre 350 000 aujourd’hui.

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Quel regard portez-vous sur les nouvelles mesures de la Loi Climat & Résilience et leur impact sur la rénovation énergétique ?

Pour 2021, je ne vois pas de changement marquant car la nouvelle stratégie du gouvernement et la loi Climat & Résilience n’ont rien de très stimulant. Cette loi était censée traduire les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (150 personnes tirées au sort qui ont travaillé pendant 7 mois aux côtés d’experts). Or, la partie "se loger" de la loi est vide.

La seule chose qu'on ait, c'est une interdiction progressive d’ici 2028 de louer les passoires thermiques de classes F et G (4,8 millions selon le ministère). Ce n’est pas ce qui va motiver les gens à faire des rénovations lourdes !
Olivier Sidler, co-fondateur Négawatt

interview negawatt sidler politique

Que pensez-vous de la proposition d’accompagnateur unique du rapport Sichel ?

On a cru qu’il allait y avoir une révolution du financement proposée par la commission Sichel puisqu’elle avait travaillé sur des idées ambitieuses. Mais je trouve le résultat final assez pauvre. Ce qui ressort, c'est la création de ces assistants à maîtrise d'ouvrage (AMOA) rendus nécessaires par la perte de confiance totale des français à l’égard des artisans (trop d'arnaques et de triche sur les offres d'isolation à 1 € par exemple).

Ces AMOA devront aussi  mettre un peu d’ordre dans la dérive actuelle des coûts souvent totalement injustifiés. Il faut également quelqu'un qui aide au montage financier, aux choix techniques, qui contrôle l’offre globale des artisans, le travail en cours de chantier, et qui fait la réception des ouvrages.

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Le secteur de la rénovation énergétique a mauvaise presse en ce moment. Il a été une nouvelle fois épinglé par la répression des fraudes : démarchage téléphonique abusif, travaux bâclés. Pouvez-vous nous expliquer comment reconnaître un bon artisan de la rénovation d’un mauvais ?

Ce qui est important c'est la transparence qu’apporte l'artisan, la manière dont il présente le travail qu'il compte faire. Le devis doit refléter cette transparence, car la loi veut qu'il soit très détaillé : s'il n'y a pas de détails, c'est illégal, et suspect.

Ensuite, les aspects techniques que le particulier ne peut pas forcément détecter. Par exemple, j’ai déjà vu des artisans RGE qui ne prévoyaient pas de pare-vapeur sur le devis d’une isolation de toiture, ce qui est une faute grave sur le plan technique. C'est à ça que va servir l'AMOA.

Après, il y a le comportement de l'artisan : est-ce qu'il accompagne et explique bien, est-ce qu'il travaille avec d'autres ou travaille seul sans relation avec les autres corps de métier.

Pour une bonne rénovation, c'est à dire complète, les artisans se parlent : il y a celui qui fait l'isolation des murs, celui qui pose des fenêtres, il faut qu'ils discutent car à

Il y a ensuite la question des coûts que le particulier va avoir du mal à juger. Il faut faire faire 3 devis, c'est une règle. J'ai vu des prix allant de 1 à 2 sur la même prestation et quand on choisit le moins cher ça marche aussi très bien.

Afin de mieux juger, le particulier peut aussi demander à voir des travaux identiques que l'artisan a fait ailleurs.

Que pensez-vous des pointes électriques à horizon 2024 annoncées par RTE ?

Toute la politique actuelle du gouvernement tend vers l'électrification d’un maximum d’usages (chauffage, déplacement, etc). Mais il faut combattre le mythe selon lequel le chauffage électrique est décarboné. Certes le nucléaire produit peu de carbone, mais lors de la pointe il y a surtout beaucoup d'autres moyens de production d'électricité utilisant des combustibles très émetteurs de CO2 : gaz, fioul, charbon. Le vrai contenu carbone du kWh chauffage électrique n’est pas de 79 grammes de C02 comme ça vient d'être décrété, il est entre 140 et 150 grammes, soit seulement un tiers de moins que celui du gaz naturel (227gCO2/kWh).

Il faut combattre le mythe selon lequel le chauffage électrique est décarboné [...] Cette stratégie d'envoyer tout le monde vers l'électrique sans isoler, ou en isolant peu, les bâtiments, conduira à des pointes électriques très fortes.
Olivier Sidler, co-fondateur Négawatt

Deuxième chose : les pompes à chaleur (PAC) permettent des performances exceptionnelles quand elles sont correctement conçues, mises en oeuvre et entretenues. J’ai construit des logements sociaux qui consomment 4 kWh d'électricité par mètre carré par an pour se chauffer et 3 pour l'eau chaude sanitaire, mais il faut le faire proprement. Si on met une PAC dans un logement mal isolé, dès qu'il fait 5 degrés dehors, elle ne produit plus une eau suffisamment chaude pour les radiateurs et ce sont des résitances électriques qui prennent le relai. C'est probablement cela que doit craindre RTE. Cette stratégie d'envoyer tout le monde vers l'électrique sans isoler, ou en isolant peu, les bâtiments, conduira à des pointes électriques très fortes, faites avec du courant importé car on n’aura pas ce qu'il faut sur le territoire.

Etes-vous satisfait de la proposition de label par l’ADEME sur les offres d’électricité verte ? cela va-t-il permettre selon vous de réellement montrer les offres vertes vertueuses ?

Les offres vertes sont toutes plus chères que le courant normal car elles doivent intègrer le coût de construction de nouvelles installations de production d'électricité (éolienne, hydraulique, photopiles).

A titre d’exemple, Enercoop vend un courant vert acheté aux propriétaires de petites installations récentes, donc pas encore amorties, ce qui justifie un prix plus élevé. De ce fait, il n'est pas en capacité de concurrencer les acteurs achetant l'électricité à EDF, qui leur revend de l'électricité hydraulique déjà amortie 50 fois depuis 60 ans et qui contribue au faible coût du courant « normal ». Cette approche pas très honnête de certains les amène à faire payer cher à leurs clients un courant qui est le même que celui qu’ils utilisent déjà pour beaucoup moins cher, sans pour autant faire avancer la cause de l’électricité verte. C’est de l’opportunisme.

Le but de l'Ademe est de clarifier cette situation faite d’une part, de quelques fournisseurs essayant d’accroître la production d’électricité verte et d’autre part, d’un tas d'autres profitant sans vergogne d'un dispositif pas très clair. Beaucoup ont des garanties d’origine qui ne garantissent pas grand chose, ce qui ne clarifie pas la situation.

L'Ademe est dans une position d'équilibriste car elle ne veut pas perdre toutes les personnes engagées sur ce marché dont elle souhaite néanmoins assainir le fonctionnement. Elle a fait quelque chose qui n’est pas entièrement satisfaisant mais qui va dans le bon sens.
Olivier Sidler, co-fondateur Négawatt
Sarah Nedjar

Sarah Nedjar

Rédactrice experte énergie

Après une classe prépa lettres et l'obtention d'un Master en management interculturel, Sarah rejoint Hello Watt en 2021. Elle rédige des contenus (articles de blog, newsletters, communiqués de presse) sur l'actualité du marché de l'énergie.

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