Présidentielle et nucléaire : que proposent les candidats ?

Écrit par Alexandre François, Rédacteur expert énergie le 29 mars 2022 à 12:42 | Modifié le 6 octobre 2023 à 11:34
Temps de lecture : 7 min

Alors que le premier tour de l’élection présidentielle approche, Hello Watt fait le tour des propositions des principaux candidats sur le thème de l’énergie. Découvrez aujourd’hui ce que pensent les prétendants à l’Élysée sur le nucléaire.

Présidentielle énergie nucléaire

Pour ou contre la sortie du nucléaire ?

Candidat

Sortie du nucléaire

Anne Hidalgo

Parti socialiste

Favorable✅

Jean-Luc Mélenchon

La France insoumise

Favorable✅

Yannick Jadot

Europe Écologie Les Verts

Favorable✅

Emmanuel Macron

La République en marche

Défavorable❌

Eric Zemmour

Reconquête

Défavorable❌

Fabien Roussel

Parti communiste français

Défavorable❌

Marine Le Pen

Rassemblement national

Défavorable❌

Valérie Pécresse

Les Républicains

Défavorable❌

Parmi les huit principaux candidats à l’élection présidentielle, seuls deux sont favorables à une sortie du nucléaire d’ici 2050 : Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot. Notons que si Anne Hidalgo s’oppose à la construction de nouveaux réacteurs, elle ne table pas sur une sortie de l’énergie atomique d’ici 2050.

Ce que nous avons retenu des propositions des candidats

3 propositions intéressantes

  1.  Assurer une transition douce pour sortir du nucléaire (Anne Hidalgo, Yannick Jadot) ou mettre en place une politique énergétique plurielle (Emmanuel Macron, Valérie Pécresse). Que l’on considère le nucléaire comme un moyen d’assurer une transition énergétique en douceur, ou que l’on souhaite le conserver dans le mix énergétique, il apparaît comme essentiel de prendre en compte l’ensemble des enjeux économiques et écologiques.
  2. Augmenter la quantité d’énergie vendue par EDF à la concurrence (Emmanuel Macron, Valérie Pécresse). Même si aucun candidat n’a précisé de combien, cette mesure permettrait aux Français, quel que soit leur fournisseur d’électricité, de bénéficier des investissements dans l’énergie nucléaire qu’ils ont financés dans les années 1980-1990 alors qu’EDF était en situation de monopole. La loi énergie-climat autorise la vente de 150 TWh de volume d’ARENH par an. Dans un contexte de hausse des prix de gros sur les marchés, ce volume avait été porté à 120 TWh/an en janvier 2022 (contre 100 TWh les années précédentes). 
  3. Relancer le projet ASTRID (Eric Zemmour, Fabien Roussel, Marine Le Pen, Valérie Pécresse). Cette proposition vise à relancer la recherche française dans les réacteurs de quatrième génération refroidis au sodium. Une technologie prometteuse qui avait pour objectif de baisser la quantité d’uranium consommée et de réutiliser une partie des déchets. Elle avait néanmoins été stoppée par le gouvernement en 2019 en raison de son coût élevé.

3 propositions moins intéressantes

  1. Opposer le nucléaire aux énergies renouvelables (Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen). Quelle que soit la position des candidats par rapport au nucléaire et aux énergies renouvelables, l’arrêt brutal de l’une des deux filières risque de mettre en péril notre approvisionnement énergétique et de menacer des emplois (même si dans le cas de Jean-Luc Mélenchon, ce dernier promet de mettre en place un vaste programme de reconversions).
  2. Nationaliser EDF afin de refaire de l'électricité un monopole d'État (Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Yannick Jadot). Même si l’actuel ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé en février 2022 qu’une nationalisation d'EDF pour sauver le groupe n’était pas exclue, cette dernière ne fait pas partie du programme d’Emmanuel Macron. D’autre part, cette proposition est contraire aux règles établies par l’Union européenne dans le cadre de l’ouverture à la concurrence et la réalisation d’un marché unique énergétique européen.
  3. Rouvrir Fessenheim (Marine Le Pen). Cette proposition est impossible à mettre en œuvre d’un point de vue technique, le démantèlement de la centrale étant déjà trop avancé.

La facture d'électricité des Français

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Énergie nucléaire : un quasi consensus

Candidat

Calendrier de construction

Prolongation de la durée de vie des centrales

Emmanuel Macron

La République en marche

6 EPR d'ici 2035

8 EPR 2 à l'étude pour 2050

Oui, au-delà de 50 ans

Eric Zemmour

Reconquête

14 EPR d'ici 2050

Oui, à 60 ans

Fabien Roussel

Parti communiste français

Au moins 6 EPR d'ici 2050

Oui, au-delà de 40 ans

Marine Le Pen

Rassemblement national

10 EPR pour 2031

10 EPR 2 pour 2036

Réouverture de Fessenheim

Oui, à 60 ans

Valérie Pécresse

Les Républicains

6 EPR d'ici 2035

Réflexion pour d'autres d'ici 2050

Oui, à 60 ans

Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima (2011), plusieurs pays européens et responsables politiques ont marqué leur opposition à l’énergie atomique. 

Plus d’une décennie plus tard, la majorité des candidats à l’élection présidentielle de 2022 sont favorables à la construction de nouveaux réacteurs en France. Comment expliquer ce revirement ?

L’objectif de la neutralité carbone en 2050

La loi énergie-climat du 8 novembre 2019 inscrit dans le code de l’énergie l’objectif de la neutralité carbone pour 2050 afin de répondre à l’urgence écologique et climatique. Cet objectif a également été adopté à l’échelle de l’Union européenne.

Hors, la décarbonation de l’activité économique passe par l’électrification des usages. Dans son rapport Futurs énergétiques 2050, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité RTE prévoit une hausse importante de la consommation électrique afin de compenser l’utilisation des énergies fossiles

Afin d’y parvenir, RTE a proposé 6 scénarios. Le dernier prévoit le maintien de la part du nucléaire à 50 % dans le mix de production (contre 70 % aujourd’hui). Le reste serait assuré par un mix de renouvelable. 

Lors de sa visite à Belfort en février 2022, Emmanuel Macron a présenté sa feuille de route énergétique pour 2050. Le président a annoncé la construction de 6 réacteurs nucléaires pour 2035 (ainsi que l’étude de 8 autres pour 2050). Le projet d’Emmanuel Macron se rapproche ainsi fortement du dernier scénario de RTE, tout en s’appuyant sur les EnR et le prolongement de la durée des réacteurs actuellement en service “sous conditions”. 

Pour Jean Luc Mélenchon et Yannick Jadot, la sortie du nucléaire doit s’accompagner d’un développement massif des énergies renouvelables afin de parvenir aux objectifs de neutralité carbone. Le candidat écologiste souhaite cependant une sortie progressive qui tient compte de l’obsolescence du parc actuel.

Un choix d'indépendance énergétique ?

L’argument du nucléaire comme levier d'indépendance énergétique est avancé par l’ensemble des candidats favorables au nucléaire. Pour Emmanuel Macron, le nucléaire entre dans le cadre d’une "Stratégie d'indépendance énergétique européenne". Il est ainsi opposé au gaz russe choisi par plusieurs pays européens comme alternative au charbon pour décarboner leur économie.

Mais l’idée du nucléaire comme moyen d’indépendance énergétique point peut être nuancée. En effet, 100 % du combustible utilisé pour faire tourner les centrales nucléaires françaises est importé. En 2020 quatre pays ont fourni à la France la quasi-totalité de son uranium : le Niger, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et l’Australie (Comité technique Euratom). 

EDF et Areva assurent avoir sécurisé et diversifié leurs réseaux d’approvisionnement, ce qui est vrai dans la mesure où l’on trouve de l’uranium à de nombreux endroits dans le monde. La France ne reste pas moins dépendante d’acteurs extérieurs. Un choix stratégique que dénonce l'écologiste Yannick Jadot. Ce dernier a notamment pointé du doigt le fait que la moitié de l’approvisionnement français dépend aujourd’hui du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan, deux pays alliés… de la Russie.

Garantir la sécurité d’approvisionnement

C’est sans doute l’un des arguments majeurs du nucléaire face aux énergies renouvelables intermittentes, sur lesquelles ont été concentrés l’essentiel des investissements ces dernières années. L’énergie nucléaire à l’avantage d’être pilotable, la production peut être facilement adaptée aux variations de la demande électrique

Dans le contexte d’un mix énergétique qui évoluerait vers une part croissante d’énergies renouvelables et de l’arrêt des énergies fossiles, il est essentiel de conserver une part de pilotable afin de répondre à l’ensemble des besoins énergétiques du pays.

Construire de nouveaux réacteurs : quel calendrier ?

Le programme le plus poussé en la matière est celui de Marine Le Pen qui souhaite baptiser son plan nucléaire “Marie Curie”. Elle prévoit notamment la construction de 20 réacteurs nucléaires. Les réacteurs seront construits en deux vagues par paire sur des sites déjà existants. Une stratégie similaire à celle évoquée par EDF pour la construction des 6 EPR souhaités par Emmanuel Macron pour 2035. 

Le programme reste néanmoins extrêmement ambitieux au regard des délais de construction actuels de la filière. EDF envisage de son côté la mise en service d’un premier EPR de seconde génération pour 2035, on est donc loin des 10 EPR proposés par Marine Le Pen pour 2036.

Tout comme Emmanuel Macron, Eric Zemmour, Fabien Roussel et Valérie Pécresse sont quant à eux d’accord sur la construction d’un minimum de 6 EPR d’ici à 2035. La seconde vague serait quant à elle décidée dans un second temps, en fonction des besoins.

Vers un prolongement de l’exploitation des centrales ?

Autre point de consensus sur le papier, celui du prolongement de l’exploitation des centrales. Les centrales nucléaires sont conçues pour être exploitées pendant au moins 40 ans. La durée de fonctionnement autorisée est quant à elle de 10 ans. Une visite décennale est organisée pour évaluer la sécurité des installations afin de prolonger l’exploitation pour dix autres années.

La plus vieille centrale française en activité (Bugey) est âgée de 43 en 2022. Si certains candidats souhaitent prolonger la durée de fonctionnement des centrales à 60 ans de manière catégorique (Eric Zemmour, Marine Le Pen, Valérie Pécresse), d’autres se montrent plus prudents (Emmanuel Macron, Fabien Roussel) et s’en remettent aux décisions de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui évaluera au cas par cas les possibilités d’un prolongement d'exploitation.

Construction de nouvelles centrales nucléaires en France
La centre Nucléaire de production d'électricite de Cruas-Meysse

Sortir du nucléaire : quand et comment ?

Parmi les candidats qui souhaitent sortir du nucléaire, tous n’ont pas le même avis quant à la manière ou au calendrier à tenir.

Utiliser le nucléaire comme une énergie de transition

Cette proposition est soutenue par Yannick Jadot et Anne Hidalgo ; mais les deux candidats ne s’accordent pas sur le calendrier.

Le candidat écologiste souhaite ainsi sortir du nucléaire progressivement, en gardant l’objectif d'une sortie totale en 2050. Un scénario qui nécessite d’abord d’investir massivement dans les énergies renouvelables et de fermer les centrales les plus anciennes au fur et à mesure. Yannick Jadot souhaite ainsi maintenir la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

De son côté, Anne Hidalgo ne croit pas qu’il soit possible de sortir du nucléaire en 20 ans. Pour la candidate socialiste, il ne faut pas construire de nouveaux réacteurs et investir à 100 % dans les énergies renouvelables. Il est cependant possible de décider au cas par cas de prolonger la durée de vie "d'un certain nombre de centrales" (interview donnée à franceinfo).

Sortir du nucléaire au plus vite

Après avoir fixé son objectif initial de sortir du nucléaire en 2030, Jean-Luc Mélenchon est finalement revenu sur sa décision. Si la finalité - une sortie la plus rapide possible du nucléaire - reste la même, le candidat de La France Insoumise table désormais sur une fermeture du dernier réacteur en 2045.

Pour y parvenir, Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur le plus ambitieux des six scénarios proposés par RTE. Il souhaite en particulier développer les énergies marines renouvelables (marémotrices et houlomotrices). Avec ses 20 000 kilomètres de côtes (dont 2840 km en métropole), la France dispose d’un potentiel énorme en la matière. Problème : leur part reste informelle dans le scénario de RTE (entre 0 et 3 GW). C’est donc toute une filière qu’il faudrait mettre en place en un peu plus de 20 ans. 

À savoir

Notez que les propositions des candidats évoquées dans cet article entrent dans le cadre de leur politique énergétique globale. Nous avons fait le choix d’analyser ici seulement le programme des candidats sur le nucléaire, mais n’hésitez pas à consulter également nos autres articles sur les élections présidentielles 2022 !

 

Alexandre François

Alexandre François

Rédacteur expert énergie

Après ses études supérieures, Alexandre rejoint Hello Watt en 2019. Il est expert des sujets liés au marché de l'électricité et du gaz, au développement de la concurrence et aux fournisseurs.

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