? Interview de l'ex-Médiateur de l'Energie, Jean Gaubert
Jean Gaubert, représentait avant 2020 le Médiateur National de l'Energie. Hausse des litiges, trêve hivernale, rôle du médiateur, Hello Watt a interrogé l'ancien député des Côtes d'Armor.
Bonjour Jean Gaubert, pouvez-vous décrire le rôle du Médiateur de l'Energie ?
Bonjour Hello Watt. Le médiateur national de l’énergie est une autorité publique indépendante créée fin 2006, juste avant l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie pour les particuliers, afin de participer à l’information des consommateurs sur leurs droits et de proposer des solutions amiables aux litiges entre les consommateurs et les fournisseurs et distributeurs.
Cela fait plus de 10 ans que le médiateur met à disposition des Français sur son site d’information Energie-Info des fiches pratiques et des outils tel qu’un comparateur indépendant de tous les acteurs, des calculettes de prix etc. Un numéro vert, le 0 800 112 212 (appel et service gratuits) permet également à ceux qui préfèrent ce canal d’information d’être renseigné gratuitement.
En parallèle de nos missions légales d’information et de médiation, avec mes équipes, nous incitons les opérateurs à améliorer leurs pratiques, notamment en émettant des recommandations génériques, et nous proposons des évolutions législatives lorsque cela nous semble nécessaire.
C'est la trêve hivernale bientôt, pensez-vous qu'il y a eu une amplification de la précarité énergétique ?
Les chiffres parlent malheureusement d’eux même quand on parle de trêve hivernale : selon l’observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 3,3 millions de ménages étaient en situation de précarité énergétique en 2017, soit 6,7 millions de personnes, c'est-à-dire 12% de la population française ! Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ont déclaré la mise en œuvre de 572 440 interventions pour impayés, contre 549 387 en 2017, soit une hausse de 4,2 % par rapport à 2017.
Et cette situation ne s’améliore pas puisque début octobre, j’ai alerté l’opinion publique sur une hausse des sollicitations de consommateurs en situation d’impayé. Les données provisoires pour le 1er semestre 2019, transmises par les fournisseurs, font état d’une hausse de plus de 18 % en électricité et de 10 % en gaz naturel par rapport au 1er semestre 2018.
Au-delà des chiffres, ce qui me préoccupe le plus, c’est cette triple peine que subissent les ménages les plus précaires : parce qu’ils ont de petits revenus, ils habitent dans des logement mal isolés, du coup, ils reçoivent des factures plus élevées pour leur chauffage et cela peut avoir des répercussions sur leur santé.
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Pensez-vous que les hausses successives de l'électricité en sont responsables ?
Cela y participe. Plus une facture est élevée, plus les ménages ont du mal à la payer. Surtout lorsque l’inflation et l’évolution des revenus ne suivent pas la même courbe. Cependant, si cette hausse n’est pas supportable, est-elle pour autant évitable ? C’est là une question complexe à laquelle devront répondre la Commission de régulation de l’énergie et le gouvernement dans les prochaines semaines pour ce qui concerne les tarifs réglementés.
La rénovation thermique est-elle une bonne solution à la précarité énergétique ?
Évidemment ! Je suis convaincu que le combat contre la précarité énergétique passe par la disparition des passoires énergétiques. Je défends l’idée que les bailleurs doivent être encouragés à mettre en location des logements correctement isolés, et donc à entamer des travaux lorsque cela est nécessaire. Il faudra sans doute dans les années à venir imposer des pénalités financières aux bailleurs, comme cela existe dans certains pays européens, si les choses ne bougent pas. Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous devons avant tout consolider les dispositifs pour aider au changement.
Certaines entreprises peu scrupuleuses ont développé des méthodes commerciales contestables en vendant des prestations effectuées à la va-vite ou en soutenant, à tort, à tous les particuliers démarchés qu’ils ne vont rien débourser. Ils sèment la méfiance auprès de nos concitoyens et savonnent la planche des professionnels honnêtes. Il est temps que ce secteur soit un peu plus surveillé.
Que pensez-vous des aides mises en place ? Le nouveau CITE pour 2020 appelé "Prime Renov" ?
C’est un nouveau dispositif qui me semble mieux adapté. Il faudra scruter son effet sur le terrain. Le passé récent montre que malgré la bonne volonté affichée (et souvent traduite dans les faits par des mesures !) des gouvernements successifs, on a du mal à sortir de situation de mal-logement.
Factures impayées : quelles solutions peut-on envisager ?
La majorité des consommateurs ayant des difficultés de paiement sont de bonne foi et ne peuvent tout simplement pas régler la facture de rattrapage élevée qu’ils reçoivent avec l’injonction de la payer immédiatement. Ils ne contestent pas le montant dû mais demandent à régler des mensualités moins pesantes sur leur budget très fragile. Les fournisseurs doivent faire preuve de davantage de compréhension et de bienveillance ! Le service Energie-Info est trop régulièrement contacté par des particuliers qui les appellent parce que l’énergie de leur logement a été coupée pour une dette inférieure à 100 € ou alors qu’ils avaient eu au téléphone un service de recouvrement qui avait validé échéancier de paiement. Ce que ses consommateurs n’ont pas réalisé, c’est que c’était déjà trop tard, ils n’étaient déjà plus clients de ce fournisseur qui a résilié leur contrat. Je rappelle que tous les fournisseurs ont l’obligation de mettre à la disposition des acteurs sociaux un correspondant solidarité-précarité. Il serait temps que cette règle soit respectée par tous les acteurs.
Le médiateur a sorti un rapport sur les litiges qui augmentent de 40%. Comment expliquez-vous cette hausse ?
Lorsque j’ai pris mes fonctions il y a 6 ans, j’avais imaginé au contraire qu’avec une meilleure connaissance du marché et l’arrivée d’innovations telles que les compteurs communicants et l’accès aux services en ligne des fournisseurs, les litiges diminueraient entre consommateurs et acteurs du secteur. Il n‘en est rien. En effet, en 2018, dans notre rapport annuel, nous avons constaté que le nombre de litiges que nous recevons ne cesse d’augmenter. Les raisons sont multiples. La notoriété de l’institution est en hausse et, en parallèle, certains fournisseurs et distributeurs continuent de rencontrer des problèmes informatiques et/ou d’avoir des pratiques qui ne respectent pas le code de l’énergie et de la consommation. Ce qui me désole, c’est que, outre le fait que les consommateurs soient confrontés de plus en plus à des problèmes avec les opérateurs, nos moyens ont baissé et mes collaborateurs, dont le nombre n’a pas augmenté depuis la création de l’institution, peinent de plus en plus à respecter les délais.
- Vous quittez vos fonctions dans un mois maintenant, quel message pouvez-vous transmettre à votre successeur ?
Simplement, travailler sans concessions au service du plus grand nombre !
- Petite question clin d'oeil puisque je suis de Bretagne également, que pensez-vous de la dynamique actuelle de la Bretagne concernant les énergies vertes ? La région est-elle en bonne voie ?
Ça avance, malgré parfois les égoïsmes de certains (le parc éolien, c’est bien, mais plutôt chez les autres…). En tous cas, les décideurs publics ou privés ont une réelle volonté d’agir et le démontre.
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