Grèves : quels sont les risques pour le marché de l’énergie et les usagers ?

Quels sont les impacts des grèves sur la production d’énergie ?

Le gaz et l’hydraulique ralentissent la production

Depuis l’appel à la grève par la CGT Mines-Énergie (FNME-CGT) ce jeudi 19 janvier, la mobilisation est forte dans le secteur de l’énergie. Une baisse de 5 000 MW a déjà été observée dans la nuit de mercredi à jeudi par la société de réseau de transport d’électricité (RTE). Ce qui représente deux fois la consommation de Paris. 

Cette baisse de la production est menée par les agents d’EDF qui sont passés à l’action dans le secteur de l’hydraulique. Les centrales hydroélectriques des Alpes-Maritimes étaient à l'arrêt en fin de journée, ce qui n’a pas eu d’influence sur l’usager, mais reste non négligeable pour cette source d’énergie électrique, qui est la deuxième plus importante en France après le nucléaire. Du côté du gaz, la CGT prévoit aussi d’agir et planifie de retarder des travaux sur des stockages de gaz et d’empêcher le déchargement des méthaniers. 

Le nucléaire, prépondérant en France, se mobilise aussi

Si le gestionnaire chargé de sécuriser l’approvisionnement en électricité assure à l’AFP que “cela ne devrait pas baisser plus bas”, une autre menace plane sur le marché de la production d’électricité : le redémarrage des centrales nucléaires. En effet, d’ici fin janvier, deux des plus gros réacteurs du parc nucléaire sont censés redémarrer. Sébastien Menesplier, le secrétaire général de la FNME-CGT, explique pourquoi la remise en route pourrait être retardée : 

Comme beaucoup de salariés seront en grève, le travail ne sera pas effectué et les opérations d’activités planifiées ne seront pas faites. La grève va donc désorganiser le travail et retarder les plannings prévus.

Sébastien Menesplier, le secrétaire général de la FNME-CGT

En parallèle, le niveau de production d’électricité des centrales en activité pourrait aussi ralentir, annonce Sébastien Menesplier : “il pourra aussi y avoir des décisions de baisser la production d’électricité dans les centrales nucléaires – en respectant bien entendu la sûreté et la sécurité des installations.”

Pourquoi le secteur de l’énergie est-il autant mobilisé et que risquent les consommateurs ? 

Qu’implique la réforme pour les agents d’EDF ?

Cette nouvelle réforme des retraites concerne entre autres les salariés ayant le statut IEG (industries électriques et gazières) qui bénéficient d’un régime spécial. Ce dernier leur permet de partir jusqu’à cinq ans plus tôt à la retraite en raison de la pénibilité au travail et jouissent en moyenne de pensions plus élevées grâce à un calcul plus avantageux que celui du régime général. Avec l’adoption de la réforme, ce régime particulier et ses avantages disparaîtront pour les nouveaux employés. 

Les salariés sont donc fortement opposés à ce changement et revendiquent leur régime particulier comme juste. Travailler dans ce secteur impose souvent de côtoyer des produits nocifs et un environnement bruyant. Les agents ont aussi des horaires décalés, la nuit et le week-end. Certains techniciens sont en contact avec de l’amiante et voient leur espérance de vie diminuée de sept à quinze ans, selon un reportage du journal Libération. Ainsi, Marc Bontemps confie au journal : “On est dans le réel : c’est normal que l’on parte plus tôt à la retraite puisqu’on meurt plus tôt.”

Des tensions qui ne sont pas nouvelles entre dirigeants et syndicats 

Il semblerait que les désaccords ne soient pas d’aujourd’hui dans le secteur. Deux autres conflits ont allumé la mèche il y a déjà plusieurs mois. 

• Début octobre, quatre agents de la RTE ont été placés en garde à vue dans le service anti-terroriste de la DGSI. Ces derniers sont accusés d’interventions frauduleuses sur le réseau électrique cet été. 
• Sébastien Menesplier, avance plutôt un conflit qui remonte à 2021 avec les plans de réorganisation d’EDF et Engie. Les employés s’étaient battus et avaient obtenu l’abandon du plan Hercule, synonyme pour les syndicats de démantèlement du service public. 

Quel impact sur la distribution d’électricité chez le consommateur ?

Les conflits évoqués précédemment ont donné un “élan” aux grèves, selon le secrétaire général de la FNME-CGT. Un post publié sur les réseaux sociaux ce jeudi disait même : “on ne lâche rien !! [...] c'est le début de la lutte jusqu'au retrait !!”. 

Mais pas de quoi s’inquiéter pour les consommateurs, pour l’instant, ils “ ne voient pas l’impact de cette grève quand ils allument la lumière chez eux, ce n’est pas comme avec la grève chez TotalEnergies" confie le secrétaire fédéral de la FNME-CGT, Julien Lambert, à Franceinfo. Les conséquences sont donc surtout financières pour EDF. Toutefois, des tensions seront à prévoir en cas de vagues de froid. 

Il faudra à l'avenir faire très attention : on n'a plus le droit à aucune erreur pour cet hiver.

Emmanuelle Galicher, enseignante-chercheuse en physique nucléaire au CNAM, au micro de BFM business

À noter qu’EDF peut imposer à ses employés de rétablir le courant à 100% si la grève persiste dans la durée.