Quelles sont les causes de la crise énergétique en Espagne et au Royaume Uni ?

L’augmentation des prix du gaz et de l’électricité en Espagne

Quelle est la situation énergétique actuelle en Espagne ?

Sur le marché de l’électricité Espagnol, il existe des offres au tarif réglementé et à prix de marché. Dans les deux cas, les fournisseurs achètent l’énergie sur le marché de gros et les prix de l’électricité pour les consommateurs, qui varient de jour en jour, sont fixés la veille pour le lendemain en fonction de l’offre et de la demande.

C’est pour cela que la hausse globale des prix de l’électricité et du gaz se répercute directement sur les factures énergétiques des ménages espagnols : alors que le prix du MWh d’électricité pour les consommateurs oscillait entre 30 et 40 € il y a un an, il a récemment atteint un pic de 198,85 € selon l’OMIE (Operador del Mercado Ibérico de Energía). La facture d’électricité moyenne par mois a désormais atteint 108 €, soit une augmentation de 62 % en un an, d’après l’association de consommateurs Facua.

Les prix du gaz naturel en Espagne subissent eux aussi des augmentations successives alarmantes.

Quelles sont les causes de l’augmentation des prix de l’énergie en Espagne ?

La dépendance de l’Espagne vis-à-vis des pays producteurs de gaz naturel

Comme de nombreux pays européens, l’Espagne est dépendante des producteurs de gaz naturel pour son approvisionnement, qui sont principalement les États-Unis et l’Algérie, mais aussi la Norvège, la Russie, le Moyen Orient ou encore la Chine.

Malheureusement, l’approvisionnement en gaz naturel pour l’Espagne et pour les autres pays d’Europe est actuellement difficile à cause de diverses raisons :

• une relation conflictuelle avec le Maroc, par lequel transite le gaz naturel algérien jusqu’en Espagne ;
• la reprise de l’activité économique post-covid, qui engendre une forte demande auprès des producteurs de gaz et fait monter les prix ;
• une utilisation par la Norvège de son gaz naturel pour des opérations de maintenance en mer du Nord, au détriment de l’approvisionnement des pays européens ;
• des stocks européens de gaz naturel très bas à cause de l’hiver rigoureux ;
• un ralentissement des exportations du gaz Russe en raison d’un incendie dans une usine importante de la société Gazprom ;
• un retard de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, auquel s’oppose l’Ukraine.

Le manque de souveraineté de l’Espagne vis-à-vis de l’électricité

Malgré une forte présence d’énergies renouvelables dans le pays, l’Espagne n’est pas souveraine vis-à-vis de l’électricité et doit en importer une grosse partie depuis les pays voisins, notamment de la France. Or les tarifs de l’électricité française subissent de régulières augmentations en raison de la hausse des coûts d’acheminement de l’énergie pour suivre la cadence imposée par la transition énergétique. 

Par ailleurs, l’électricité française provient majoritairement des centrales nucléaires (pour environ 70 %), ce qui pose deux problèmes :

• le parc nucléaire français, qui se fait vieux, va nécessiter de lourdes opérations de maintenance au cours des prochaines années pour pouvoir rester opérationnel ;
• dans le cadre de la stratégie de transition énergétique menée par l’Union Européenne, le nucléaire risque d’être taxé au même titre que les autres énergies fossiles.

Enfin, l’électricité consommée en Espagne est en grande partie produite à partir du gaz naturel (environ 30 % du mix énergétique espagnol), dont, comme expliqué plus haut, l’approvisionnement est particulièrement difficile en ce moment.

Le manque de vent et l’augmentation de la taxe carbone

Par ailleurs, le manque de vent a entraîné une importante baisse de la production d’électricité éolienne, qui occupe une part importante (21,9 %) dans le mix énergétique espagnol. Le charbon et le gaz naturel, plus chers et plus polluants, ont dû prendre le relais pour la production d’électricité. Or, le “droit à polluer”, prix d’émission d’une tonne de CO2, a grandement augmenté ces derniers temps : alors qu’il s’élevait à 20 € en février 2020, il a désormais dépassé les 60 €. 

Cette augmentation, engendrée par les mesures mises en place par l’Union Européenne pour décarboner l’énergie, a été un facteur décisif dans l’augmentation des prix de l’électricité en Espagne.

Conséquences politiques et sociales

Face à l’augmentation alarmante des prix du gaz et de l’électricité, qui touchent tout particulièrement les ménages les plus précaires, les espagnols manifestent. Sachant que la situation ne s’améliorera ni d’elle-même, ni rapidement, le gouvernement a mis en place des mesures d’urgence. Elles ont pour but d’éviter au maximum les répercussions de cette crise sur les factures énergétiques de la population :

• une régulation des bénéfices réalisés par les fournisseurs d’énergie à hauteur de 2,6 millions d’euros, de façon à diminuer les factures des consommateurs ;
• une baisse drastique des taxes appliquées sur l’énergie : la TVA, qui était à 21 %, passe à 10 %.

Cependant, si ces mesures “traiteront les symptômes, elles ne guériront pas la maladie” : selon les experts de l’énergie espagnols, le pays fait face à des problèmes énergétiques structurels :

• les accords bilatéraux entre producteurs et fournisseurs n’existent pas, ce qui est source de grande instabilité des prix pour la population espagnole ; ils varient d’heure en heure en fonction des prix du marché spot ;
• l’Espagne est encore trop dépendante des importations d’énergie, elle manque de souveraineté ;
• il n’existe pas d’entreprise publique de l’énergie, solution qu’envisage le parti d’extrême gauche Podemos ;
• l’Espagne n’a pas encore investi assez dans les panneaux solaires : le pays entier en possède moins que la seule ville de Bruxelles, en dépit de son fort potentiel lié au degré d’ensoleillement.

La situation énergétique du Royaume Uni, la plus spectaculaire d’Europe

Le Royaume Uni, touché par les mêmes problématiques que le reste de l’Europe

Comme dans le reste de l’Europe et pour les mêmes raisons, les prix de l’énergie au Royaume Uni flambent. La forte demande en gaz naturel suite à la reprise économique post-Covid, l’indisponibilité du gaz norvégien, l’augmentation des taxes CO2, le ralentissement des exportations de gaz russe et le retard de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 sont les principales responsables.

Par ailleurs, les analystes du marché prévoient une baisse conséquente de la production éolienne, déjà basse, ce qui fait grimper encore davantage les prix de l’électricité.

Alors que l’électricité s’échangeait sur la bourse européenne Nord Pool au prix spot moyen de 50 € le MWh il y a un an, il a atteint le mardi 14 septembre 2021 un pic record de £2500 (2930 €). Du jamais vu !

L’incendie d’une liaison électrique avec la France

À l'augmentation globale des prix de l’énergie au Royaume Uni s’ajoute l’incendie d’une station de conversion dans le sud-est de l’Angleterre, survenu le mercredi 15 septembre 2021. Cet évènement a mis hors de service l'interconnexion IFA1, reliant la France et le Royaume-Uni : la moitié de l’interconnexion était déjà indisponible pour maintenance et l’activité de l’autre moitié ne pourra reprendre avant un mois.

Cet incendie a entraîné un pic historique du prix du gaz mercredi de 194,94 pence par thermie (unité de quantité de chaleur). Les prix du gaz au Royaume Uni ont subi une hausse de 218 % depuis le début de l’année.